L’asymétrie de l’information : une des causes de l’augmentation des ventes en ligne au détriment des ventes en magasin

Ce sujet m’est venu en tête lors d’une  visite dans un Best Buy, pour acheter un disque dur que j’avais besoin le jour même. J’ai entendu une conversation entre un client et un employé qui est allé un peu comme ceci :

  • Client (pointant un modèle de 3.5 pouces avec concentrateur USB intégré, et un autre de 2.5 pouces sans le concentrateur) : Quelle est la différence entre ces deux modèles de disques durs?
  • Employé (prenant la boite pour lire la description) : Je ne sais pas trop. Celui-là a plus de téraoctets. Donc vous pouvez mettre plus de fichiers.
  • Client : C’est vraiment la seule différence?
  • Employé : Oui oui, c’est vraiment juste ça.
  • Client : (Silence malaisant) OK, merci.

J’avais à ce moment moi-même une question à laquelle je cherchais une réponse sur mon téléphone, car les étiquettes en magasin n’étaient d’aucune utilité. J’ai tout de suite abandonné l’idée de la poser à l’employé qui n’avait manifestement aucune idée de quoi il parlait. Avec mon téléphone, j’avais plus d’informations que le magasin qui vendait le produit!

Avant l’Internet et les téléphones intelligents, les marchands possédaient plus d’information que les consommateurs dans la plupart des marchés. Un consommateur averti pouvait s’informer par les journaux, les magazines spécialisés ou encore des recommandations d’amis avant d’aller acheter un produit, mais, une fois rendu en magasin, le marchand était la dernière source d’informations disponible pour faire un choix, que ce soit avec l’affichage en magasin ou les connaissances des vendeurs. Outre les conseils des vendeurs, nécessairement subjectifs par leur objectif pécuniaire, les principaux signaux de qualité utilisés par le consommateur à cette époque étaient, en ordre d’importance, la marque du produit, le prix, l’apparence physique, et la réputation du marchand.[1] Avec l’avènement de l’internet et des téléphones intelligents, les sources d’informations ont été décuplées : avis d’experts, avis de consommateurs, sites de comparaison, spécifications, comparateurs de prix, etc. L’asymétrie de l’information a été renversée, en faveur des consommateurs plutôt que des détaillants.

Le concept d’asymétrie de l’information a été apporté par George A. Akerlof en 1970[2]. L’aspect qui nous intéresse le plus de cette théorie est que, dans un marché donné, plus l’asymétrie de l’information en faveur du vendeur est grande, plus le marché rapetisse, jusqu’à même disparaitre!  Au contraire, plus l’information disponible pour l’acheteur augmente, plus le marché augmente[3]. Les vendeurs malhonnêtes sont expulsés du marché, le prix diminue, la qualité augmente, et les consommateurs comme les vendeurs restants profitent du marché étendu.

Le marché de la vente au détail va très bien au Canada en ce moment, alors que les ventes en magasin ont augmenté de 7,5% et les ventes en ligne de 19,4% pour le mois d’octobre 2017 comparé à octobre 2016.[4] Bien que les ventes au détail traditionnelles conservent la part du lion du marché (97.6%!) comparé au commerce en ligne, je lance l’hypothèse que la croissance si élevée du commerce en ligne est en partie propulsée par l’augmentation de l’information disponible aux consommateurs. [5]

L’implication pour tout gestionnaire marketing travaillant dans la vente au détail est simple : devenez la source d’information par excellence pour le marché dans lequel vous êtes, et vous ferez nécessairement partie des leaders de ce marché. Un bon exemple d’une entreprise généraliste appliquant cette conclusion est Amazon : ses pages de produits possèdent une description et des spécifications fiables, ainsi qu’un très grand nombre d’avis et de Q&A de vrais consommateurs. Amazon défend farouchement son système d’évaluations, jusqu’à poursuivre les vendeurs qui tentent de le manipuler sur leur plate-forme. Une autre façon de faire peut être de devenir une référence dans notre sphère d’activité par le marketing de contenu[6]. Un excellent exemple d’une entreprise de chez nous qui utilise bien cette méthode est Café Barista avec son blogue et son tout nouvel Institut National du Barista. Clairement, ils sont devenus LA référence en café au Québec. En améliorant les connaissances des consommateurs sur le café, ils augmentent nécessairement la demande de café de meilleure qualité (leur marché) au détriment du café médiocre.

Maintenant que vous savez qu’un consommateur mieux informé est positif pour votre entreprise et pour le développement de l’économie en général, quelles sont les actions que vous pouvez entreprendre afin de mieux éduquer vos clients dans votre marché? J’aimerais vraiment avoir votre opinion dans les commentaires!

[1] Jacoby, J., Szybillo, G. J., & Busato-Schach, J. (1977). Information acquisition behavior in brand choice situations. Journal of Consumer research3(4), 209-216.

Rao, A. R., & Monroe, K. B. (1989). The effect of price, brand name, and store name on buyers’ perceptions of product quality: An integrative review. Journal of marketing Research, 351-357.

[2] Akerlof, G. A. (1978). The market for “lemons”: Quality uncertainty and the market mechanism. In Uncertainty in Economics (pp. 235-251).

[3] Levin, J. (2001). Information and the Market for Lemons. RAND Journal of Economics, 657-666.

[4] Le quotidien – Commerce de detail, octobre 2017 – Statistiques Canada

[5] Une bonne idée d’hypothèse à tester dans un mémoire ou une thèse!

[6] Un des objectifs de ce blog 😉